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“J’ai beaucoup de souvenirs d’enfance dans leur maison : les six portes donnant sur l’entrée ronde, la rosace au sol faite de pétales de mosaïques, le jukebox des années 60 au sous-sol, la sonnette sous la table de la salle à manger pour appeler les domestiques… Et surtout la chambre de ma grand-mère ! Je fouillais dans sa boîte de boutons et m'amusais à porter les boucles d’oreilles fantaisie très excentriques de sa collection. Je rentrais dans son miroir trois faces en refermant les trois portes sur moi : je me retrouvais dans un palais des glaces dans lequel je voyais mon reflet à l’infini. C’était féérique pour une petite fille !”

“On est tous sur notre 31 : c’est le jour de la fameuse photo devant le canapé rayé. Au premier plan, Bonne Maman se penche en général en souriant pour se rapprocher du petit-enfant assis à côté d’elle. Bon Papa est assis bien calé au fond du canapé, au milieu, mains sur les genoux, face à l’objectif. Deux petits-enfants l’entourent, sans chaussures, les pieds qui ne touchent pas le sol, un peu débraillés. Au milieu, les enfants, arrivés trop tard pour être assis, s'agenouillent sur le dossier du canapé. Les derniers arrivés se tiennent debout derrière, placés les uns à côté des autres pour que tout le monde soit sur la photo. Personne n’ose faire les oreilles d’âne de peur de se faire gronder car on devrait recommencer la séance ! Ce cliché servira de carte de vœux et de couverture pour le prochain album de Bon Papa.”

"Le soir, nous mettions des capelines bien chaudes pour une promenade au bout du parc. On regardait le soir qui tombait dans les tons ocres. Seulement des vieilles fermes à l’horizon... Quelle beauté ! En rentrant, pour nous réchauffer, Tantinette faisait un feu de bois dans la cheminée du petit salon au rez-de-chaussée. Elle me racontait des histoires, je posais des questions sur ma mère et mon oncle. Nous discutions pendant des heures. La vie s’écoulait comme ça… C’était merveilleux !"

"Je passais mes vacances d’été dans le Morvan, chez mon oncle Pierre, avec qui nous étions très liés. Dans cette région où se succèdent des “étés écrasants de chaleur et de longs hivers pétrifiés sous la neige”*. Là où le sol est un “socle de granit d’un rose tendre, vieux de millions de siècles, bruissant de sources, troué d’étangs, partout saillants d'entre les herbes, les fougères et les ronces.”*. Mon oncle venait me chercher à la gare dans une carriole tirée par son ânesse Gigolette. “Tu arrives pour la saison des groseilles !” me lançait-il. Cela ne m’enchantait guère, mais il comptait sur moi pour la cueillette. Finalement, après avoir dévoré des groseilles pendant une demi-heure, je lui avouais que j’étais fatigué et il ne m’en reparlait plus. 

Tous les jeudis, l’oncle Pierre remplissait des petits paniers de châtaignier avec des bottes de radis, des carottes, des cardons, des pommes de terre… Nous chargions la carriole et partions avec Gigolette livrer des légumes. J’en ai des souvenirs incroyables !"

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* Sylvie Germain, dans "Jours de colère" (1989).

"Un soir d’avril, il m’a invitée au restaurant en me laissant le choix entre plusieurs adresses : nous avons dîné au Bistrot Thaï. Entre le poulet à la citronnelle et la mangue, il m’a parlé de son carnet rouge : un côté avec des pages qui se détachent, pour écrire des mots aux enfants ; un autre avec des pages qui ne se détachent pas, dans lequel il s’adressait à moi et exprimait ce qu’il ressentait, listait tous les souvenirs que l’on avait ensemble, pour que je le lise un jour. Tchin !"

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